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Sant Mac'hloù hag e vro
14 mai 2022

Ar relegoù

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Les reliques de saint Malo  *

 

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      SansMoyenne
vitrail de l’église Saint-Malo de Dinan,  figurant le transfert des reliques

de saint Malo dans la nouvelle église Saint-Malo reconstruite intra-muros à Dinan.



La mémoire du pays était particulièrement portée par les reliques des saints, qui furent les premiers objets que les moines pensèrent emmener avec eux quand ils fuyèrent les dévastations vikings. Les reliques de saint Malo sont comme le point d’ancrage du futur évếché, de l’histoire de ce pays et de son identité. Elles ont nourri l’argumentation de Jean de Chatillon face à ses détracteurs, et c’était peut-être pour lui – et ce sera toujours pour le pays - comme la marque de fabrique de ce coin de Domnonée, sa mémoire indélibile au-delà des destructions et des falsifications. Ainsi, l’abandon actuel du culte des reliques n’est pas anodin.

    • Inventaire de la cathédrale

Un Inventaire du mobilier de la cathédrale appartenant à la fabrique nous indique de façon impressionnante qu’en la cathédrale se trouvaient – se trouvent encore ?- « deux grandes fiertes ou châsses quarrées, en forme d'églises, revêtues de tous côtés de lames d'argent ciselées en fleurs, colonnes et figures relevées en bosse, et dont une très-ancienne a été autrefois dorée, lesquelles sont remplies, l'une des reliques de saint Malo, l'autre des reliques de divers saints ; — deux autres châsses plus petites, de même forme, aussi couvertes de toutes parts de lames d'argent ciselées de la même manière, dont une fort ancienne et autrefois dorée, et aussi remplies de diverses reliques ; — deux chefs ou bustes d'argent, fort légers, qui renferment les testes ou crânes de saint Aaron et saint Honorat (Enogat?) ; — deux bras de bois avec les mains, revêtus d'argent ouvré, renfermant des ossements des bras de saint Malo et saint Aaron ; — deux petites figures de saints, fort légers, dont une en forme d'évesque portant en main une coste de saint Malo sous verre, et l'autre en forme et habit de juge, portant en main une relique de saint Yves ; — deux croissants montés chacun sur un pied en forme de croix, dont un de vermeil, et renfermant sous verre l'un une coste de saint Guillaume et l'autre une coste de saint Gaud [un autre saint du pays][nota : « Tous ces reliquaires, donnés anciennement par différents évêques et particuliers, et armoyés de leurs escussons, se mettent les jours de grandes festes sur l'autel, qui d'ailleurs est fort nud, sans contre-table ni autre ornement que deux grandes statues de bois et une crosse aussi de bois doré au milieu, au haut de laquelle est le pavillon ou suspension où se garde le Saint-Sacrement ».

 

    • Pourquoi les reliques ont-elles tant d'importance?

Les reliques furent grandement honorées et autour d'elles s'établit le culte des saints, en particulier de saint Malo. Elles furent très tôt proposées à la dévotion des fidèles, à l'endroit même où le saint établit son monastère et qui devint une cathédrale. Autour de ces dévotions naquirent aussi un pays et une identité qui perdurèrent tant que mémoire fut faite de l'histoire sainte qui en sont l'origine, et que restèrent debout les sanctuaires qui abritaient les reliques. Dès l'instant où cette l’histoire sainte et la foi furent l’une et l’autre attaquées, le monde brittonique chrétien et son identité furent mis en péril: c'est sans doute là l’une des choses essentielles qui motivèrent la lutte de l'évêque Jean de Châtillon. Quel est en effet le nerf de la guerre? Ce sont les choses spirituelles. Pour les saints pasteurs comme Jean de la Grille, l’évêché est d'abord quelque chose de spirituel, parce que partie tenante de la Sainte Eglise d’une part, et partie tenante d’un peuple, d’une nation d’autre part. On voit au début de l’histoire de la Bretagne armoricaine le combat qu'engagent nombre de saints bretons contre leurs compatriotes restés dans le paganisme, à commencer par leur propre famille, comme celle de saint Brieuc, et simultanément celui d’une Bretagne rapidement menacée par les Francs et l’assimilation culturelle. Ceux-ci savent aussi quel est le nerf de la guerre, et vont tenter de vider la Bretagne de sa substance première: son âme, donc de ses monastères, de sa langue et de sa culture. Rappelons-nous avec quelle hâte et quelle véhémence Louis le Pieux, après avoir vaincu le roi Morvan, somma l’Église bretonne d’abandonner le rite britto-irlandais. Rappelons-nous qu’une « foule » de reliques dûrent quitter leur pays pendant les invasions normandes. Rappelons-nous que les trois-quarts des chapelles de Bretagne furent détruite pendant la révolution française. Or, les reliques de saint Malo sont la matrice de l’Église malouine, sa carte d’identité, son ADN, tout comme l’était le rite britto-irlandais.

Que sont les reliques ? Elle sont les corps des saints, ce qu’on a pu en garder mais aussi le signe de leur présence parmi nous et de leur intercession, parce qu’elles sont le signe très marquant de l'alliance entre Dieu et les hommes et comme les témoins visibles sur terre , à travers les siècles, de cette sainteté définitive, celle que conquit saint Malo en personne, et point de départ d'un pays-évêché.  Ceux qui voulurent frapper la Bretagne au cœur, s’en sont pris à ses saints fondateurs et donc à leur reliques. Voici un article où apparaît le lien entre foi et culture, où l'on voit qu'on s'en est pris aux deux pour pouvoir absorber la Bretagne. Ce fut un lent et patient travail d'acculturation dont les têtes pensantes de Bretagne commencent  aujourd'hui à prendre conscience.


    • Britannia Monastica…

"Depuis ses origines, la chrétienté bretonne armoricaine avait vécu en marge de l’Église gauloise : ses horizons étaient plus volontiers insulaires que continentaux. Les événements des VIIIe et IXe siècles font qu’elle rentre peu à peu dans le giron de l’Église romano-franque voulue par les Carolingiens : accompagnant cette ouverture forcée vers l’est, ce sont des livres liturgiques, des tenues sacerdotales, des objets divers du culte qui pénètrent en Armorique, autant de dons du roi à un clergé autochtone qu’il entend rallier à sa cause en l’amadouant. Et avec ces cadeaux, les linéaments de la Renaissance des Lettres et des Arts arrivent féconder la terre des Bretons longtemps demeurés rétifs aux modèles culturels francs: la remarquable production de livres écrits et enluminés dans certains scriptoria armoricains démontre la capacité nouvelle au IXe siècle des moines – copistes, écrivains ou illustrateurs – à assimiler à leur façon le meilleur des techniques et du savoir encouragés à l’ombre du palais impérial, à l’imitation des plus florissantes maisons du monachisme bénédictin récemment rénové par saint Benoît d’Aniane."Avec l’acculturation en cours, ce sont aussi des reliques de saints qui pénètrent dans la péninsule. Jusque-là celle-ci était demeurée réfractaire au culte des Bienheureux qui n’étaient pas bretons de nation du moins dans sa moitié occidentale où dominait l’élément celtique – les comtés de Nantes et de Rennes, dans une moindre mesure celui de Vannes, de langue latine et parties prenantes de la vieille civilisation gallo-romaine, n’ont pas ignoré en effet aux temps mérovingiens, autour de leurs évêques, les saints gaulois ou universels en vif contraste avec l’Église proprement bretonne. Ces préventions n’ont plus cours un siècle après les débuts de la conquête franque (753), quoique les hagiographes s’attellent dans le même temps à la mise par écrit des Vies des plus vénérables fondateurs de leurs maisons, dans un état d’esprit mitigé, balançant entre regrets d’une existence supposée héroïque, vivifiante grâce à une foi abrupte en Christ, et soulagement vis-à-vis du cours nouveau, jugé plus vivable, entamé en pleine communion d’esprit avec Rome. De la Ville éternelle provient justement une relique insigne, confiée par le pape Léon IV à l’abbé de Redon, Conwoion, venu l’entretenir, vers la fin de 847, de la politique ecclésiastique de Nominoë à l’encontre des évêques simoniaques de sa province : le corps du saint pape Marcellin, treizième successeur de saint Pierre, martyrisé sous Dioclétien en 304. D’après le Liber Pontificalis, Ratuili, l’auteur des "Gestes des Saints de Redon" résume ce qu’il a pu apprendre du pontificat et du martyre de Marcellin, mais il ne s’étend pas sur le voyage de retour de son abbé car cet épisode licite s’avère sans histoire. Seule la grandiose cérémonie de réinhumation des saints restes dans l’église de Saint-Sauveur retient son attention puisque c’est à cette occasion que les reliques entrent dans le patrimoine de l’abbaye – officiellement, elles constituaient pour encore un cadeau du pape à Nominoë, en remerciement de la couronne d’or sertie de joyaux qu’il lui avait adressée, mais le prince breton s’en dessaisit ce jour-là en faveur des moines dans un grand concours de peuple, au chant des hymnes et des laudes, en présence des Grands de son entourage. Depuis lors, avec foi et dévotion nous dit-il, les pèlerins affluent de toute la Bretagne, et même de contrées plus lointaines, afin de retrouver la santé sur la tombe. Sur cette apothéose placée sous le signe de la joie partagée d’un transfert réussi, Ratuili clôt le deuxième livre des Gestes".

(Britannia Monastica, n° 7, 2003, p. 21-31)

On voit donc combien sont honorées les reliques des saints, et comment, par la même occasion, elles deviennent un instrument politique de première importance.

Au regard de la Foi chrétienne, ces restes physiques, signes de la permanence des saints dans l’Église, sont d’abord des canaux de la Grâce sanctifiante par laquelle arrivent – et sont arrivées – multiples guérisons. Mais toujours, l’attachement des Bretons à leurs « vieux saints » ou saints fondateurs, sera lié étroitement, en plus du fait religieux, à leur effort naturel et multiséculaire de mémoire pour conserver leur culture, et par là-même, leur identité. La dévotion aux saints, dans ce sens, se confond avec le culte des reliques par lesquelles la conscience nationale a pu perdurer. Il n’est pas par hasard si plus de la moitié des chapelles et les reliques qu’elles contenaient ont disparu en Bretagne au cours de la révolution française, emportant avec elles tout un pan de la mémoire d’un pays. Puis la peste du doute, s’adjoignant à un esprit d’aveugle sujetion à la France - d’abord parmi le clergé - emporta ce qu’il était resté de conscience nationale dans les sanctuaires du pays.

 

. Mémoire et permanence

 

Laissons d’abord parler le diacre Bili, au IXe siècle, à propos de la grande dévotion qu’il faut appporter aux corps des saints.

 

Quand à nous, qui habitons le diocèse d’Alet, dans la mesure de nos possibilités, nous devons sans répit rendre grâces au pourvoyeur de tous ces bienfaits, Lui qui a illuminé nos régions occidentales de nombreux corps de saints comme d’autant d’étoiles très brillantes, et nous croyons que les âmes de ces saints brillent semblablement aux Cieux. Chaque fois que nous rappelons leur souvenir, sans aucun doute, ils sont pour nous nos intercesseurs auprès du Seigneur. » 

 

« La grandeur de l’amour témoigne pour celui-là dont la sollicitude envers ses amis ne s’est éteinte ni dans la mort, ni dans la sépulture, puisque, même après qu’il ait quitté ce monde, sa renommée s’emploie sans relâche à le démontrer »

 

« L’oubli n’a pas diminué cet apôtre (saint Malo) en pouvoir ni envers vous, ni envers moi, car maintenant il possède, à jamais et dans les actes les plus sacrés, la Vraie Vie. »

 

Les reliques demeurèrent à Saintes jusqu'au Xe siècle. Mais les miracles posthumes opérés à Saintes sur le tombeau de saint Malo (appelé en Saintonge Macoux, Macoult) excitèrent la jalousie des Bretons qui ramenèrent à Alet le chef et le bras droit de leur évêque transfuge.

Les reliques conservées sur l'ile d'Aaron, depuis leur retour de la Saintonge, étaient donc "le chef et le dextre", nous renseigne Bili, mais elles n’y restèrent que peu de temps. Au même siècle de leur rapatriement (Xe), à cause des invasions vikings, une nombreuse population de princes et de moines quitta le pays, et l’un de leurs réflexes, lors de la fuite, fut d’emporter avec eux les reliques de la foule des saints fondateurs du pays qui furent donc du voyage, eux aussi. Ces reliques furent ainsi dissémi­nées dans toute l’Europe pour y être mises à l’abri. C’est pourquoi à Longpont, par exemple, au sud de Paris, la communauté bretonne de là-bas honorait une fois l’an, en une fête solennelle, les reliques de saint Malo : ce fut Salvator, évêque d'Alet, qui les avait portées dans ce pays, accompagné de Juvan, abbé de Léhon (Dinan), celui-ci ayant aussi avec lui celles de saint Corentin; en route, se joignirent à eux les évêques de Dol et Baioc (Bayeux).

 Droite

Saint-Maclou à RouenSalvator déposa d'abord les reliques de saint Malo à l'ancienne basilique de Saint-Barthélémy (Paris) "où leur présence est Gaucheattestée dès 9631. Puis, le crâne de saint Malo accompagna d'autres reliques bretonnes jusqu'à Montreuil, dans l’Artois, où une partie est encore aujourd'hui conservée (abbaye de Saint‑Sauve), et d'où aussi proviennent les reliques de saint Malo (sous le nom de saint Maclou) éparpillées dans les Flandres, aux Pays-Bas, en Rhénanie2. Il fut trouvé à notre époque "une partie notable du chef de saint Malo" à Montreuil (R. Rodière), aux côtés des os de saint Guénolé. Sommés de restituer les reliques, les moines de Saint‑Victor, à Paris, s'adjugèrent le menton de saint Maclou. Un os de l'épaule du saint fut vénéré à Saint‑Maclou de Moiselles. Un buste reliquaire, dans l'église de Saint-Malo-des-Trois-Fontaines, au diocèse de Saint-Malo, contient encore aujourd'hui des reliques du saint. La cathédrale de Quimper-Corentin en possède également.

  Voici quelques haltes que firent dans leur fuite les reliques de saint Malo: Saint-Michel-du-Pas (chapelle du roi Clotaire); église Saint-Magloire de Paris; église St-Julien-du-Haut-Pas (Paris); abbaye Ste-Victoire (Paris); Pontoise, Saint-Maclou-de-Moisselles, Rouen. C’était comme une partie de la sève vitale de la Bretagne qui s’en allait. Cependant, là où les reliques furent transférées, en dehors de Bretagne ou peut-être aussi en des endroits difficiles d’accès (à Locmalo par exemple, en pays Pourlet), la dévotion aux saints auxquelles elles étaient rattachées se perpétua.

D'après le Processional de l'abbaye royale de Saint-Sauveur, on célébrait à Montreuil, dans les Flandres artoises, la fête de la translation de saint Malo le dimanche dans l'octave du Saint-Sacrement, par une proces­sion solennelle qui se rendait, après la Messe solennelle, à la Grande Place de la ville, en chantant une hymne et des responsoirs propres, et à plusieurs autres jours de l'année la châsse de saint Malo recevait de grands honneurs. Tandis qu'en Bretagne, Guillotin de Corson note que "le diocèse de Saint-Malo faisait encore au siècle dernier la solennité de la trans­lation de son premier évêque, le deuxième dimanche de Juillet"3: mais s'agit-il de la translation depuis Saintes, où Léonce avait bâti une église pour recevoir le corps de saint Malo? Ou bien de la translation d'après les invasions vikings, quand les reliques de saint Malo revinrent au pays? 4 Témoin aussi peut-être de la permanence des reliques de saint Malo dans un pays affaibli par les invasions normandes, il y eut ce fait marquant: un resserrement de la population se produisit autour du monastère de l’ile d’Aaron, la Saint-Malo intramuros d’aujourd’hui, comme un retour de ferveur. Ils délaissèrent Alet et sa cathédrale,"et pendant que son port devenait désert (St-Servan), navires, mariniers, marchands, foisonnaient et prospéraient dans l'ile d'Aaron"… (Albert le Grand). Si il y eut peut-être des causes économiques à cela, il est à parier que le sanctuaire de l’ile d’Aaron était depuis longtemps le centre spirituel du pays d’Alet, sachant que c’est là que saint Malo s’était établi, qu’un monastère s’y développa et que les reliques du saint y furent déposées. Après les deux destructions successives du monastère, l’une par les troupes de Charlemagne, la seconde par les Normands, c’était une revanche de l’histoire et un retour aux sources, près des reliques de saint Malo.

 

Et voici un autre fait qui témoigne de la permanence dynamique des reliques dans les siècles. Nous sommes fin novembre de l'an 1693. Les Anglais menacent la cité de Saint-Malo avec leur flotte Saint-Malo déployée alentour. "Tous les Malouins qui le peuvent regroupent leurs biens les plus précieux pour les porter hors des remparts. Craignant les bombar­de­ments, on invite les femmes à emmener les enfants. De la cathédrale, Monseigneur de Guémadeuc organise une procession pour obtenir l'aide divine; par la porte Saint-Thomas, la voilà qui monte sur les remparts (d'où l'on domine l'armada anglaise) (…) Les reliques de saint Aaron, de saint Gurval et saint Vincent (de Sarragosse) sont promenées. Jean Jocet de la Barbottais, le doyen, a le privilège de porter le bras d'argent contenant celle de saint Malo. Puis l'évêque ferme la procession, bénissant les défenseurs, la mer, les forts et les fidèles présents au chant d'"A furore anglorum, libera nos Domine"!

 

  • Prodiges et miracles

 

La dévotion des reliques engendra bien des miracles, ceux-ci entraînant souvent la dédicace d’une église, d’une chapelle, d’une fontaine au saint, ou encore des donations de terres à l’Eglise. L’exemple le plus connu de l’histoire des reliques de saint Malo est celui de Saint-Malo-de-Fili. Saint Malo s’était éteint à Saintes, ses reliques y demeurèrent. Quelques quatre siècles plus tard, l’évêque Bili souhaita relancer le culte au saint. Une délégation de clercs de tout le pays : Paou-Aled (Paoudouvr sans doute inclus)et Porc’hoed,fit le voyage pour rapatrier le corps du saint. Ayant obtenu gain de cause pour quelques membres, il s’en revinrent en Bretagne et sur leur parcours plusieurs miracles et prodiges advinrent autour des reliques, qui nous sont narrés par Bili dans sa Vita, parmi eux celui-ci : en chemin, ils s’arrêtèrent en un lieu majestueux qui surplombe la Gwilun (Vilaine), et là un prince dénommé Fili, machtiern de Guicpri, fut guéri de sa maladie au contact des restes du corps de saint Malo. Et Bili évoque aussi le prodige suivant lors du voyage de retour vers le Paou-Aled, et qui reproduisait celui qui advint quand saint Malo lui-même était revenu de Saintonge :

 

De pluuia cum eo ambulante. Et inde uenientes multas dicumbitiones inuenerunt, et ad pagum Aletis cum gemmis optimis peruenientibus, sicut antea contigerat pluuia illos comitabat. Mirum in modum, non eos preuniebat, sed leniter eos a longe sequebatur, ut cuncti simul intelligerent quod misericordia illis ex Deo et a sancto Machute aduenisset, ita ut certatim omnes uiri simul et femine et que sequebantur et qui preueniebant ad eos flectentes genua occurrerent. Et laudantes Deum ex uno ore ad insulam que uocabatur Aaronis, que usque hodie postea nomine sancti Machutis uocatur, lenaniam sine intermissione canentes peruenerunt. Et tribus diebus ac tribus noctibus super altare ponentes, ante membra illa uigilantes et multas possessiones in dicumbitione eis dantes, uigilauerunt: :

 

« De la pluie qui les accompagnait. Et sur leur route, ils recueillirent de nombreuses possessions, et arrivèrent au pays d’Alet avec leur précieux trésor. Et, comme cela s’était produit auparavant, la pluie les accompagnait. D’une manière merveilleuse, elle ne les précédait pas, mais elle les suivait de près depuis longtemps, afin que tous comprennent que cela venait de Dieu et de saint Malo; et donc, tous les hommes et femmes qui, ensemble, suivaient ou précédaient, venaient à eux et se mettaient à genoux; louant Dieu d’une seule voix, chantant les litanies sans arrêt, ils arrivèrent à cette île qui est appelée Ile d’Aaron, et qui par la suite jusqu’à nos jours s’est appelée du nom de saint Malo. Ils posèrent ces reliques sur l’autel, veillèrent devant ces membres et leur accordèrent de nombreuses possessions perpétuelles; ils veillèrent pendant trois jours ».

 

Voici maintenant la relation, toujours par le diacre Bili, d’un miracle survenu autour du tombeau de saint Malo :

 

 Nam post sepulturam eius, quod ut putamus pretereundum non est, duo orbi ex uilla que uocatur sauiniaco ad sepulchrum uiri Dei peruenientes, oculorum suorum luminaria postulantes, humum de eius tumulo in aquam commiscentes, loca obscuritatis inde lauantes, diuina dispensatione Dei procurante, ne uirtus sancti minor fieret in diuinitate quam dum uixerat in corporalitate, uisionem oculorum prisinam recipere meruerunt : :

 

« A notre sens, en effet, on ne saurait négliger ceci : après qu’il ait été mis au tombeau, deux aveugles originaires de la ville que l’on appelle Sévignac5 vinrent au tombeau de l’homme de Dieu pour demander la lumière de leurs yeux. Ils mêlèrent de la terre de son tombeau à de l’eau, et ils lavèrent l’endroit de leur cécité ; et, par la divine grâce de Dieu, afin que la vertu du saint ne soit pas moins grande dans son état divin qu’elle ne l’avait été de son vivant, corporellement, ils méritèrent de recouvrer la vue . »

 

Les prodiges commencèrent dès l’arrivée de la délégation malouine en Saintonge, « douze du pays d’Alet et douze autres du pays que nous appelons le Paoutrecoët » (Porhoët)6, avec à leur tête le prince Roiantworett. Après avoir essuyé le refus du clergé de Saintes, ils supplièrent le roi des Francs, Philibert, qui ordonna trois jours de jeûne et de prière :

 

 Nona tertie diei adpropinquante, ieiunio firmiter ac unanimiter ab omnibus uiris simul et feminis completo, maximeque illis uiginti quatuoi uiris qui illum exquirere ierant orantibus ac Deum deprecantibus indesinenter sanctoque Machuti multas dicumbitiones promittentibus, nec die noctuque tunc dormientibus, sed ex toto corde fideliter firmiterque orationem dominicam sine intermissione cantare frequentatibus Deo annuente corpus sancti Machutis, dicentes : « Sancte Machu, si tibi placet, corpusculum tuum exin tollere, aut si aliquid ex eo reddere, consilium quod nobis aliisque auxilium tribuet ostende :

 

« Et quand approcha la neuvième heure du troisième jour, quand le jeûne eut été terminé, sans faillir et par tous, hommes et femmes, et surtout par ces vingt-quatre hommes qui étaient partis en quête, qui priaient et suppliaient Dieu sans répit en promettant moult territoires à saint Malo, sans dormir ni de jour ni de nuit, mais au contraire chantant sans arrêt, de tout leur cœur, avec foi et persévérance, l’oraison du Seigneur (le Pater), par la grâce de Dieu, en élevant le corps de saint Malo sur l’autel, ils dirent : « Saint Malo, s’il te plaît, laisse-nous un conseil qui puisse nous aider, nous et les autres ! »

 

Quatre clercs alors soulevèrent le corps du saint dont « le chef resta dans la main de l’un et la dextre dans la main d’un autre, tandis qu’ils ne pouvaient absolument pas ôter de l’autel ce qui restait du corps, ni en ôter autre chose » :

 

 Unde clarius luce omnes intellexerunt quod separauerat Dominus sanctusque Machu quod Britonibus uenire contigeret : « Et quando illi foras cum gemmis pretiosis potimisque pergebant, illud quod super altare remanserat ab oculis aspicientium euanuit et, querentibus quis illud abstulerat, in suo munumento repertum est, ita ut per hoc patenter agnoscerent quod uoluntas Dei de eo contigisset. Illi autem qui cum capite et dextra manu ueniebant magnum gaudium habebant :

 

« Alors tous, bien mieux éclairés, comprirent que le Seigneur et saint Malo avaient séparé ce qui devait revenir aux Bretons (…) Et quand ils sortirent avec ces joyaux si précieux, ce qui était resté sur l’autel s’évanouit aux yeux des spectateurs ; ils cherchèrent ce qui l’avait emporté, et ils le retrouvèrent dans son tombeau, afin qu’il soit clairement su que c’était la volonté de Dieu qui avait agi. Quant à ceux qui repartaient avec le chef et la dextre, ils débordaient de joie ».

 

 

1 Les Dossiers de la Société d'Histoire – Jean de Châtillon, éd. Cristel 2014

2 idem

3 Pouillé de Rennes, tome 1.

4 F. Plaine, "Translatio in Britanniam s. Machuti, episcopi Aletensis" (Translation du corps de saint Malo)

5 Sévignac: près de Dinan

6 « duodecim ex Pago Aletis et alii duodecim ex pago quem uocamus pagum Transsiluam »

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Sant Mac'hloù hag e vro
  • Ganet e voe sant Mac'hloù e Lankarvan ha desavet gant sant Brendan. Meur a vanati e savas e Breizh-Vihan. Saint Malo naquit au monastère de Llancarvan, en Bretagne. Elevé par saint Brendan, avec lui il participa à la fondation de la nouvelle Bretagne.
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