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Sant Mac'hloù hag e vro
11 mars 2022

Yann ar Gael

*

Grande

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Yann ar Gael, eskob Sant-Mac'hloù, a stourmas a-enep kloer gall Marmoutiers

 *

La lutte de Jean de Châtillon (saint Jean de la Grille),

évêque de Saint-Malo, contre les prétentions du clergé franc

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A l'issue de l'époque fondatrice qui vit la Bretagne poser les jalons de son installation en Armorique, le royaume de Domnonée voit sa culture péricliter dans sa moitié orientale et son nom finalement disparaître. Les monastères de rite britto-irlandais ont disparu et l’Eglise bretonne est dans le giron des franco-latins, tandis que la culture se retranche dans le monde paysan et chez les petits hobereaux, le monde protégé des chemins creux emboués. La Bretagne ilienne n’est plus qu’un souvenir et celle du continent essaiera de survivre encore quelques siècles, sous la menace permanente de la France et de l’Angleterre. Menace politique tout autant que culturelle, qui exista déjà du temps des Francs carolingiens, mais devint encore plus menaçante au lendemain des dévastations vikings. Le roi Nominoë considérait que les moines francs, qui tentaient d’essaimer en Bretagne, n'étaient rien d'autre que des agents à la solde de Charles le Chauve et consorts, dont le but était de coloniser les évêchés de Bretagne sous le Joug de l'Archevêque de Tours, ancienne capitale de la 3ème Légion Lyonnaise de Rome, et au mépris des traditions de l'Eglise britto-irlandaise. Et puis, nous arrivons au XIIe siècle qui voit l’avènement de Jean de Chatillon au siège épiscopal d'Alet-Saint-Malo. Notre évêque engage alors une lutte acharnée contre la communauté française (moines de Marmou­tiers) qui s'est installée sur l’île Aaron, là où les reliques de saint Malo étaient conservées, la future Saint-Malo intramuros.

 

Jean de Chatillon naquit sans doute entre Fougères et Vitré, à Dunan-Gwennel (Châtillon-en-Vendelais), mais fut formé à Paris et Blois, puis fut chargé de gérer les affaires de l'abbaye Sainte-Croix de Guingamp. C'est sans doute sous l'influence d'Etienne et Havoise de Bretagne que Jean fut nommé évêque d'Alet-Saint-Malo. Son prédécesseur, Donoald, troqua son nom celtique pour celui de Benoît : il semble que c'était la mode de l'époque, où l'on devait montrer patte blanche de sa latinité en Bretagne. Dans le même esprit de défiance à l'égard de l’Église celtique (en même temps d'une volonté politique très appuyée des Capétiens), Benoît fut sacré à Tours en 1120: cet événement marque le retour de l’obédience de l’Église bretonne à Tours, au détriment de Dol que le roi Nominoë avait érigé en archevêché pour la Bretagne. Donoald-Benoît fit venir sur l’île d'Aaron (future Saint-Malo intra-muros) des moines de la communauté française de Marmoutiers, comme c’était courant dans tout la Domnonée orientale pour combler les dévastations vikings. Quant à son successeur Jean de Chatillon, "aucun de ses actes n'est en faveur de cette abbaye"1, tandis qu'il favorise Boquen, Saint-Jacques de Montfort, Buzay de Nantes, Saint-Méen où l’ancienne observance monastique connaît un renouveau grâce aux nouveaux ordres… Réputé pour être "gardien de la foi et de l'ordre" et "très préoccupé des affaires de l'Eglise universelle et non exclusivement de son diocèse", ce ne fut donc pas par caprice que Jean fut un ennemi intraitable de Marmoutiers et qu'il finit par supprimer son enclave sur l’île d'Aaron en 1146, en en chassant ses moines bénédictins, "bien qu'ils essayèrent plusieurs fois après cette date de faire rouvrir le procès". Les papes successifs Anastase et Alexandre III confirmèrent d'ailleurs toujours la position de Jean de Chatillon.

Cette expulsion s'accompagna du transfert de siège de l'évêché: jusque là officiellement en face de l'ile Aaron, à Alet (actuelle Saint-Servan), Jean tenait à ce que le siège soit désormais là où l'on avait vénéré les reliques de saint Malo, là où le saint vécut lui-même et se développa un monastère breton, vis-à-vis de la péninsule gallo-romaine d'Alet.

 

On se pose la question du pourquoi de ce changement et de l’animosité de l’évêque Jean envers les mouchards de Marmoutiers, dont les motifs se sont perdus dans le temps. Il serait lié à l’époque, au lendemain des invasions vikings qui laissèrent exsangue le pays, et particulièrement la Domnonée orientale qui vit un afflux considérable de population gallo-franque déferler sur le pays, parmi laquelle des religieux venus suppléer aux monastères détruits mais au détriment des anciennes coutumes du pays.

Sachons d’abord que c’est sur l’ile Aaron que reposèrent les reliques de saint Malo, au monastère qu’il avait fondé, et non pas en la cathédrale d’Aleth, à Saint-Servan . Vers 702, 24 bretons sous la conduite de Roiant Woret, aidé par Rivoëd, prennent le chemin de Saintes, pour y quérir la tête et le bras de saint Malo, puis les déposent au monastère de l'île d’Aaron. Partant de ce fait, le résultat des recherches de quelques membres de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Saint-Malo, parue dans les "Dossiers" de 2014, penche vers la thèse d’une affirmation définitive de la bretonnité du siège, face à une tentative des deux prédécesseurs de Jean de Châtillon d'en occulter l'identité au profit d'une romanisation / latinisation à l'extrême. Il fallait soustraire l’Église de Saint-Malo à l’influence franque et en faire une forteresse de l’Église de Bretagne, en un lieu qui, paraît-il, recevait à l’époque une affluence de population au détriment d’Alet. Jean de Châtillon fait alors bâtir sur l’îlot une cathédrale, ce qui signifie, en ce « Moyen Âge », une ville avec ses couvents, ses artisans, ses marchés… Il fonde également dans le cloître de ce lieu de culte une école publique. Il obtient aussi de nombreux droits dont celui de “ville close” lui permettant de bâtir en 1155 des remparts et des tours pour défendre la cité naissante. Dorénavant, 16 hectares se trouvèrent enveloppées d’une ceinture de pierre.

 

Dès la fondation de Saint-Malo, on ressent l’indépendance qui caractérise ses habitants et une défiance de tout ce qui pourrait venir de l’Est. En effet, l’évêque refuse l’aide du roi de France pour protéger la ville et décide que les Malouins se garderont eux-mêmes. Il crée donc une milice dans laquelle tous les hommes doivent servir. Cela ne lui semble pas suffisant pour protéger la ville des voleurs (et surtout ses abords), où des navires commencent à accoster en nombre. Il fait venir d’Angleterre 21 dogues pour patrouiller chaque soir sur les grèves. Ceux-ci deviennent l’emblême de la cité, à la suite du loup d’or qui orne celle de l’évêché : tradition décidément défensive du pays, de l’ancienne marche bretonne contre les envahissements du Franc.

Jean de Châtillon fait aussi preuve de talent dans l’administration de l’îlot qui grandit de jour en jour. II dote Saint-Malo de toutes les fonctions et “administrations” nécessaires à l’essor d’une ville qui lorgne à nouveau de plus en plus vers le large et semble lier son avenir à celui du commerce maritime. C’est à l’image d’une Bretagne qu’on voudrait faire dépendre du continent, alors qu’elle semble destinée à s’épanouir au sein du confédération maritime (Pays Basque, Galles, Ecosse, Irlande, Flandres...)

Par ailleurs, faisant preuve d’une grande charité, sa réputation auprès des habitants ne cesse de croître. La foi chrétienne de Jean de Châtillon n’est pas étrangère à ses projets pour Saint-Malo et la Bretagne, vouées à être surtout des places fortes de la justice et de la paix des cœurs, et pour cela, bien assises dans leur pays et non pas des annexes politiques des Capétiens et des réservoirs de main d’œuvre où la religion servirait d’alibi à des prétentions étrangères.

Depuis plusieurs siècles déjà, les évêques d'Alet se nomment "de St-Malo", et/ou 'in Aleta civitate", faisant la distinction entre l'origine gallo-romaine du lieu (Alet) et la bretonnité du monastère qui n'était pas situé sur le site du siège, mais sur l’île d'en face : l’île d'Aaron, l’ile coriosolite de Canalc’h, devenue l'actuelle "Saint-Malo", entourée de ses remparts et dominée par la flèche bretonne de la cathédrale, tandis que ne peut lui faire concurrence la coupole romaine néo-classique (XIXe) de l’église de Saint-Servan, en vis-à-vis de l'autre côté de l’anse des Sablons. Or, si nous pouvons aujourd'hui encore contempler cette cathédrale sur le site même où saint Malo vécut puis fut honoré, c'est bien grâce à Jean de Châtillon, qui ayant ressuscité le sanctuaire du saint fondateur, peut être considéré comme le "second saint fondateur de Saint-Malo". Oui, fondateur de la ville mais surtout rénovateur de mémoire, du siège épiscopal et de l'identité: "L'évocation du passé romain (d'Alet) ne fait visiblement pas le poids face à la puissance fédératrice de saint Malo, vrai facteur du diocèse"2. Auparavant, le siège de l'évêché fut un temps déplacé dans le Porhoët, comme en vis à vis du pays gallo-romain d’Alet, de surcroît très tôt aux mains d’une famille franque du Maine (voir au chapître « Le miroir des peuples »).

 Gauche

GaucheYann ar GaelLe Pape Eugéne III « fit paraître devant lui les deux parties et examina leurs raisons avec une scrupuleuse attention, puis il les renvoya devant l'archevêque de Bordeaux et les évêques de Chartres et d'Angoulême, qui appelèrent à Périgueux l'évêque d'Aleth et Garnier, abbé de Marmoutiers, le monastère tourangeau qui essaimait ses dépendances dans tout l’Est de la Bretagne. Ces commissaires du Souverain-Pontife y reçurent les dépositions des témoins de Jean de Châtillon: il fut prouvé que l'église de Saint-Malo avait été anciennement siège épiscopal, c'est-à-dire avait fait partie du domaine épiscopal d'Aleth, et qu'en conséquence l'évêque Benoît n'avait pas eu le droit d'aliéner cette église ; Jean-de-la-Grille démontra même que Rivallon et Donoald, successeurs de Benoît, n'avaient pas voulu ratifier cette aliénation. « Sur quoi les juges délégués ne purent se refuser à investir l'évêque d'Aleth tant de cette église de Saint-Malo que de toutes les dépendances qu'elle avait dans le temps où les moines s'en étaient saisis. Le Pape, ayant été informé de cette sentence, la confirma par une bulle donnée à Viterbe le 16 août 1152 [jour de la Saint-Armel, celui qui terrasse le serpent], dans laquelle il imposait là-dessus aux religieux (de Marmoutiers) un silence perpétuel » [nota : Vie de saint Jean-de-la-Grille, par l'abbé Manet, p. 39. — Ce silence ne fut guère observé par les moines de Marmoutiers, qui voulurent encore poursuivre l'évêque de Saint-Malo, sous le pontificat des successeurs d'Eugène III. Saint Jean-de-la-Grille retourna à Rome pour la troisième fois, et il fallut de nouvelles bulles d'Anastase IV, en 1154, d'Adrien IV, en 1157, et d'Alexandre III, en 1159, pour faire taire définitivement les réclamations de ces religieux » (extrait du Pouillé de Rennes).

 

 

Annexe

L’affaire ne concerna pas seulement le sanctuaire de l’ilot d’Aaron. Jean de la grille « eut notamment à se plaindre d'eux au sujet de leur chapelle de Notre-Dame de Bécherel, « in oratorio de Becherel quod in parochia de Ploasno constructum est ». Le saint prélat les menaça d'excommunication et interdit l'oratoire de Bécherel. 

 

http://www.infobretagne.com/becherel.htm

1 "Jean de Châtillon, second saint fondateur de Saint-Malo", Société d'Histoire et d'Archéologie de Saint-Malo, éd. Cristel 2014

2 idem

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Commentaires
Sant Mac'hloù hag e vro
  • Ganet e voe sant Mac'hloù e Lankarvan ha desavet gant sant Brendan. Meur a vanati e savas e Breizh-Vihan. Saint Malo naquit au monastère de Llancarvan, en Bretagne. Elevé par saint Brendan, avec lui il participa à la fondation de la nouvelle Bretagne.
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